crème croquante

Crème croquante

Cherchant l’origine de la crème brûlée, dont je vous entretiendrai par la suite, je découvre que le cuisinier français François Massialot donne en 1705 (Le nouveau cuisinier royal et bourgeois) une recette de « crème croquante » que je n’ai jamais rencontrée au auparavant. C’est une crème de dessert, et elle est… croquante, comme on s’en aperçoit quand on regarde la recette, que voici :

« Aïez un plat avec quatre ou cinq jaunes d’oeufs frais, selon le plat que vous voulez. Délaïez ces jaunes d’œufs avec une cueilliere ; & en les délaïant, versez-y du lait petit à petit, jusqu’à ce que votre plat foit presque plein. Après il y faut mettre du sucre râpé avec de l’écorce de citron. Il faut avoir un fourneau allumé, porter son plat dessus ce fourneau, & remuer toûjours avec la cueillere, tant que la Crême soit un peu formée. Il faut ensuite que le fourneau ne foit pas si ardent ; & cependant, remuant toujours avec la cueilliere, vous jetterez vôtre Crême sur le bord du plat, en sorte qu’il n’y en reste quasi point dans le fond, & qu’elle ait ainsi formé un bord tout au tour du plat. Il faut avoir soin qu’elle ne brûle pas, mais seulement qu’elle reste attachée au plat. Etant cuite, il luy faut faire prendre une bonne couleur avec la pêle rouge ; & après, avec la pointe du couteau, vous détacherez tout ce bord d’autour du plat, afin qu’il reste entier : vous le remettrez dans le même plat, & le laisserez encore un peu sécher dans le four ; de maniere qu’il reste peu de chose dans le plat, & qu’ elle soit croquante à la bouche. »

J’ai conservé l’orthographe d’origine, mais on voit que plus de trois siècles de distance ne nous empêchent pas de faire la recette. En revanche, on comprend aussi qu’il être soigneux, car on « joue avec le feu » : il faut naviguer entre le pas assez et le trop cuit. La « pêle rouge » ? Là, cette pelle de cheminée s’apparente au fer à crème : on avait naguère ces objets dans la cheminée… mais une salamandre fera le même effet, évidemment.

Tiens, j’en profite pour recommander à mes amis cuisiniers d’éviter la flamme des chalumeaux, qui dépose des benzopyrènes cancérogènes sur les aliments ; préférez un bon pistolet décape peinture, puissant, avec lequel l’air chaud n’a pas cet inconvénient.

 

Par Hervé This