Grilled steak on the cutting board with temperature controller inside

Braisage et cuisson basse température par Hervé This

Braisage et cuisson à basse température, nous connaissons bien ce monde : à côté de quelques personnalités merveilleuses, il y a les haineux, les jaloux, les méchants et les autoritaires, par exemple. Bien sûr, il en va de notre joie de vivre de ne pas accorder la moindre attention à tous ceux qui ne sont pas droits et bons, mais je propose aujourd’hui mieux : utiliser leurs « aboiements » pour faire mieux que nous ne ferions.

C’est ainsi que je propose de partir d’une remarque d’un « méchant » pour mieux comprendre l’intéret des cuissons à basse température. Notre homme faisait une de ces observations que j’ai entendues mille fois, à propos d’innovation : d’abord ils disent que c’est impossible, puis ils disent que c’est évident, et ils finissent par dire que c’était connu depuis longtemps. En l’occurrence, la remarque portait sur la cuisson à basse température, dont il était dit que ce n’était que du braisage. Que du braisage ? Certainement pas !

Commençons par lire les bons auteurs anciens, telle Madame Saint-Ange, qui observe que le vrai braisage est merveilleux, ce qui est exact… à condition que l’on évite le « coup de feu » qui gâche tout.

Le braisage à la classique ? Dans un cocotte, on place du lard, des rondelles d’oignon, des rondelles de carotte, une pièce (par exemple de bœuf), puis on couvre de carottes, oignons et à nouveau lard. On enfourne à four très chaud, afin de faire brunir, puis on ajoute un verre de liquide (bouillon, eaux de vie, vin…) et on couvre, avant de chauffer longuement à four très doux. En fin de cuisson, on récupère le liquide dont on fait un velouté, en le cuisant longuement dans un roux, tout en dépouillant.

La proposition de la « cuisine moléculaire », dans les années 1980, a été d’importer en cuisine des thermocirculateurs pour chauffer de l’eau à des températures précisément contrôlées, eau où l’on plaçait les poches plastiques (qualité alimentaire!) où étaient placés les viandes ou poissons, éventuellement agrémentés d’ingrédients contribuant au goût. Et c’est ainsi que, après des cuissons très longues, on récupérait des viandes dont la cuisson s’apparentait à celle des « gigots de onze heures » ou des braisages les plus réussis.

Oui, il y a une parenté, et l’on pourrait dire qu’une cuisson à basse température, mais cela n’est pas suffisamment précis, car une viande cuite à 60 degrés n’a rien à voir avec la même viande cuite à 80 degrés. Si les deux sont différentes, une seule peut être comparée au braisage, mais laquelle ? Décidément, il vaut mieux changer de siècle et savoir ce que l’on fait, au lieu de parler indistinctement d’un braisage. Et c’est ainsi que l’on parlera d’une viande cuite à basse température à 60 degrés, ou à 70 degrés, ou à 80 degrés, ou à 90 degrés (et tous les degrés intermédiaires, bien évidemment).

Pour des œufs, les effets sont encore plus net, car chaque degré au dessus de 60 degrés conduit à un œuf différent.

En ajoutant pour terminer une précision importante : pour des cuissons longues, il vaut mieux que la température soit prudemment supérieure à 60 degrés, car les températures trop basses risquent de faire fleurir les micro-organismes. D’ailleurs c’est sans doute une bonne pratique que de passer préalablement la viande à la salamandre, au four très chaud ou au décapeur thermique (on évite le chalumeau qui dépose des benzopyrènes toxiques), afin de tuer les micro-organismes présents en surface. Et l’on peut aussi passer un coup de chaud après cuisson, pour faire un bon croustillant d’un brun appétissant.

Par Hervé This