À la reine, par Hervé This

Aujourd’hui, les poulets dit « à la reine » sont enfermés dès qu’ils ont atteint trois ou quatre mois et engraissés pendant deux mois au moins. On aurait tendance à penser que les préparation « à la reine » font usage de tels poulets, mais est-ce le cas ?

Pour des « bouchées à la reine », on pourrait croire que la volaille qui s’y trouve soit de ce type, mais dans cette hypothèse, les bouchées à la reine actuelles seraient trompeuses, pour la plupart. Remontons l’histoire de la cuisine pour en avoir le cœur net.

Aux 17e et 18e siècle, pour l’auteur qui ne signe que de ses initiales, L.S.R, comme pour Pierre François La Varenne, pour Nicolas de Bonnefons, ou encore pour Pierre de Lune, il n’y a d’ « à la reyne » que des potages. Par exemple, pour L.S.R., on prépare un potage à la reyne en désossant quelques volailles, puis en les rôtissant très peu, avant de les hacher, de les piler, et d’y ajouter du bouillon, es champignons, du jus de bœuf ; on ajoute alors des amandes douces pelées et broyées, et l’on fait cuire le tout avec mie de pain, jus de citron, clous de girofles. La Varenne propose une recette tout à fait analogue, avec amandes et volaille broyée. La dénomination « à la reine » serait-elle la conséquence de l’amande, ou bien de la volaille ?

La consultation du livre de Massialot, qui évoque un pain à la reine, une croûte à la reine, un coulis à la reine, ne donne pas la solution : ces préparations sont dérivées du potage à la reine, qui est comme précédemment.

Puis, pour le Dictionnaire universel de cuisine de Joseph Favre, il y a du riz et de la volaille broyée : le riz remplace la mie de pain, l’amande a disparu… mais demeure la volaille broyée.

Ajoutons que le rôtissage initial n’est pas indispensable : on peut très bien lier à de la chair broyée, pour faire comme si l’on remplaçait le jaune d’oeuf dans une crème anglaise, et c’est là ma proposition des « priestleys » : n’importe quel liquide lié par de la chair (poissons, viande, crustacé) broyée.

En attendant, on aura raison de conserver la dénomination « à la reine » pour une préparation où de la volaille cuite aura été broyée.

Par Hervé This